Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/275

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naturellement fiers & superbes, plus leur contenance paroît avilie. La contrainte qu’ils souffrent, & leur grandeur anéantie, augmente leur embarras. Si on rencontre certain courtisan hors de la vue du souverain, il ne salue plus, ou du moins que légérement. Il vous appelle, il vous parle, il vous interroge, sans daigner vous regarder. Il vous fait sentir par le ton haut & impérieux avec lequel il vous parle, qu’il est infiniment au-dessus de vous. Il se fait entourer, & au milieu d’un cercle, il décide, condamne, approuve, prend du tabac, regarde sa montre, & fait mention de ses équipages. Le prince arrive par hazard : sa présence fait tomber toute cette ridicule grandeur : le protée change de figure, baisse la voix, & devient humble. Le souverain s’éloigne-t-il ? Il retourne à son ancienne forme : il se rassure sur ses pieds, hausse les épaules & veut décider de nouveau. Plein de confiance avec ceux qui n’ont pas de génie, timide avec les gens d’esprit, il parle de guerre à un ecclésiastique, de mathématiques & de fortifications à un jurisconsulte, de philosophie à un officier.

Ce caractere plein de vanité & de présomption, est une des raisons principales de la réserve & de la retenue des ministres