Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/365

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plus commodément dans celui-ci. Il entendoit tous les jours son pasteur parler de la grande puissance du démon & du nombre de gens qui se donnoient à lui. Ce prêtre s’enrhumoit à force de raconter tous les mauvais esprits qu’il avoit vus lui-même se prêter à l’envie criminelle de bien des particuliers. Ces discours persuaderent le paresseux Christofle : il voulut, avec l’aide de l’enfer, avoir de l’argent, & se débarrasser des soins que lui donnoit le travail où il étoit obligé de s’occuper une partie de la journée. Il appella plusieurs fois le diable ; mais soit qu’il eût pour lors d’autres affaires, soit qu’il prévît ce qui lui arriveroit, il ne s’empressa pas d’accourir à la voix de Christofle. Cependant, lassé de toutes les prieres que lui faisoit l’avide nazaréen, il vint un jour dans la maison, & lui apparut sous la forme d’un fort beau sapajou.

Que veux-tu de moi, lui dit-il ? Depuis long-tems tu m’appelles. Parle : que puis-je pour ton service ? Monseigneur, lui répondit Christofle, on dit que votre grandeur dispense les biens & les richesses à son gré. Je lui serois fort obligé si elle vouloit m’accorder quelque part dans ses faveurs. Mais que me donneras-tu ? lui demanda le diable. Hélas, monseigneur ! répondit Christofle, je n’ai rien : je suis un pauvre charpentier