Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/366

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qui vis de mon métier. Je vais, lui dit Belzébut, te donner pendant trente ans autant d’or que tu en pourras souhaiter. Mais après ce tems, j’ai besoin d’un charpentier dans l’infernal séjour, pour quelque réparation que je prévois qu’il y aura à faire à mon palais, ainsi je viendrai moi-même te chercher à la fin de notre bail.

Christofle & le diable signèrent mutuellement leur engagement. Cela fait, Belzébut-sapajou fait une gambade, & passe par la cheminée. Le nazaréen souhaite six mille pistoles, & six mille pistoles aussi-tôt se trouvent dans ses poches. Il quitte son rabot & son ciseau, & achette une maison. Les six mille pistoles consumées, six mille autres sont demandées, & six mille nouvelles il obtient. Cette somme est employée en meubles & en vaisselle. Dès qu’elle fut consumée, un autre souhait. A peine est-il formé qu’aussi-tôt il est exécuté. Jamais diable ne fut plus exact : & Christofle fort content de sa bonne-foi, n’approuvoit pas ceux qui le taxoient d’en manquer.

Quinze ans du bail s’étoient déja écoulés lorsqu’un soir le nazaréen, donnant à souper à quelques-uns de ses amis, (car depuis sa fortune, il n’en manquoit pas) ordonna à sa servante