Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/367

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de descendre à la cave, & d’aller chercher d’un certain vin qu’il réservoit pour les bonnes occasions. Jeanneton obéit. Mais quelle fut sa surprise, lorsqu’elle apperçut sur un tonneau un grand homme habillé de noir, qui lui ordonna d’aller avertir son maître de venir lui parler, & de ne point différer, ou de se résoudre d’avoir le cou tordu en présence de tous ceux avec qui il étoit. La servante fort étonnée vint apprendre à Christofle de quoi il s’agissoit. Au portrait qu’elle lui fit, il se douta que le grand homme noir étoit le diable. Il se munit de son contrat, bien résolu de lui faire voir qu’il anticipoit le bail de quinze ans. Eh bien, dit le phantôme, dès qu’il fut entré dans la cave, je viens t’avertir que tu n’as plus qu’une heure à vivre.

Monseigneur, répondit Christofle, votre grandeur se trompe de quinze ans. Voici mon contrat. Combien t’ai-je promis de vie ? dit Belzébut. Trente ans, reprit Christofle. Et bien, repartit le démon, quinze ans de jours, & quinze ans de nuits, n’est-ce pas là le compte ? C’est notre façon de supputer ; & pour te complaire, nous n’irons pas changer la maniere de calculer les années infernales.

Christofle fort surpris, remonta dans la salle où étoient ses amis. Ils lui demandent le sujet de sa tristesse & de son accablement. Il leur apprit sa malheureuse