Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/53

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mon erreur. J’entrai dans une salle, dont le fond est garni d’un théâtre, & le reste entouré de trois rangs de tribunes [1] construites l’une sur l’autre.

Ces tribunes étoient remplies par des personnes des deux sexes. Au milieu de cet édifice, il y avoit un nombre de gens debout [2] qui examinoient avec soin à l’aide de lorgnettes, la physionomie & l’habillement de toutes les femmes.

D’abord que ces lorgnettes se fixoient sur quelqu’une, elle tournoit doucement les yeux, elle sourioit d’une maniere aimable, elle minaudoit galamment avec son manchon, ou avec son évantail. Ce manège duroit jusqu’à ce que les lorgneurs commençassent d’examiner sa voisine, qui jouoit aussitôt le même rôle.

Monsieur, dis-je au chevalier, _je vous prie de m’apprendre qui sont ces gens qui paroissent si curieux, & pourquoi ces dames prennent tant de peine & de soin ?

« Ces personnes que vous voyez me répondit-il, sont des petits-maîtres, examinateurs & contrôleurs nés de la parure des femmes. Ce sont eux qui décident de leur mérite, de leur esprit, & même de leur vertu. Voyez-vous cette dame sur

  1. L’Auteur veut dire Loges.
  2. C’est le Parterre.