Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qui condamne une expression à la mort. Il arrive souvent, que le public n’ayant aucun égard à son jugement, tant de peines & de soins deviennent inutiles. Elle travailla pendant cinquante ans à un dictionnaire. Elle l’annonça avec de grands eloges : il parut, & fut généralement méprisé : un autre, composé par un seul académicien, qui fut imprimé dans le même tems, & généralement goûté, acheva de le décrier. L’académie voulut venger son honneur outragé, & acheva de le perdre : elle bannit de son corps un auteur [1], qui n’avoit fait d’autre crime que de mériter l’estime du public.

Sous Louis XIV, tous les grands hommes étoient de cette académie : ce monarque ordonnoit qu’on les reçût, lorsqu’on tardoit à leur rendre justice ; depuis sa mort, un tas d’ecclésiastiques, de prélats, & de petits-maîtres leur ont succédé. Ils ont associé à leur assemblé les comédiens [2], à qui ils ont donné séance parmi eux : & ont préféré deux ou trois baladins & farceurs à cinq ou six hommes de la premiére classe, qu’ils ont exclus à perpétuité de leur corps, pour avoir plaisanté sur une conduite aussi ridicule.

  1. Furetiere.
  2. Les comédiens François.