Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/64

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Il veut que ceux de sa croyance reçoivent ses ordonnances, & ses réglemens [1], comme les Turcs reçoivent le cordon que leur envoie le grand seigneur.

Tu sais qu’ils baisent l’instrument de leur mort. Le pontife veut que les nazaréens portent avec joie les chaînes dont il les charge. Son aveugle ambition va jusqu’au point de prendre un titre qui n’est dû qu’au messie [2], qui viendra un jour faire reluire la gloire d’Israël.

J’ai examiné avec soin ce qui pouvoit avoir acquis un crédit si considérable aux moines. J’ai eu plusieurs conversations à ce sujet avec des savans désintéressés, qui parloient sans prévention & sans passion. Il m’a été aisé de connoître que l’hypocrisie & la fourbe en avoient été les principaux motifs. Le peuple se laisse conduire aux premiers objets qui le frappent : les apparences le touchent ; & il n’approfondit jamais rien. La vie austere des religieux, leurs habits grossiers, leur air humble & contrit, l’ont empêché de voir leurs désordres & leurs débauches. Je vais t’en apprendre un trait que je tiens du chevalier de Maisin, dont je t’ai parlé dans ma derniere lettre.

  1. Bulles.
  2. Lieutenant ou vicaire de Dieu en terre