Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/65

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Dans une des principales villes du royaume, un jeune carme, nommé le pere Ange, alloit souvent chez une couturiere, : il y étoit plus assidu qu’à ses offices.

Sa conversation ne rouloit pas sur des matieres de religion. Le moine s’amusoit à quelque chose de plus gai. Il usoit du privilege des prêtres Grecs ; &, quoique sa regle lui défendît le commerce des femmes, il avoit cru pouvoir s’exempter d’une gêne aussi dure. Depuis plus de six mois il jouissoit d’une paix profonde, & son bonheur n’avoit point encore été interrompu, lorsqu’un jour une vieille femme, qui logeoit au-dessus de la couturiere, apperçut un trou au plancher, par lequel on pouvoit voir ce qui se passoit dans la chambre au-dessous. La curiosité l’ayant engagée à regarder, le premier objet qu’elle apperçut, fut le carme & la couturiere dans une situation qui n’inspiroit pas la modestie : le moine travailloit à la construction d’un petit anachorete. Surprise d’une pareille vision, elle appelle les voisins, & fait un vacarme étonnant. Le monde accourt en foule, & tout le quartier est en rumeur : l’un croit que le feu est à la maison, l’autre qu’on a égorgé ou volé quelqu’un. Quand la vieille a dit le sujet de ses allarmes, le calme succede à la