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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/66

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frayeur : les voisins prennent seulement la résolution d’attraper le moine gaillard : ils barricadent en-dehors la porte de la chambre qu’il avoit fermée en-dedans, & lui annoncent qu’on est allé chercher le pere prieur, pour être témoin de ses hauts faits. Le pere Bonaventure arrive peu après : il ordonne d’un ton de maître d’ouvrir la porte. L’amant monacal ne trouve de ressource que dans son désespoir ; il jure qu’il n’obéira point ; le supérieur la fait enfoncer ; & à la tête de la populace qu’une pareille scene avoit rassemblée, il reconduit son ouaille dans son bercail.

Tu crois, sans doute, mon cher Isaac que ce moine a reçu la punition que subissoient les vestales Romaines. Il en a été quitte pour deux jours de jeûne & neuf coups de discipline, & n’a été châtié que pour le scandale qu’il a donné. Si son crime n’eût éclaté que parmi ses confreres, on l’eût regardé comme une peccadille.

Il arrive tous les jours de semblables aventures. Le peuple imbécille n’en est pas plus éclairé : sa crédulité surpasse la fourbe de ceux qui le trompent. Si quelqu’un veut faire luire le flambeau de la raison, on le regarde comme un novateur, comme un homme soupçonné &