Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/96

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qui sont ici, enseignent au peuple qu’il n’y a qu’un Dieu. Ils le regardent comme un grand roi, lui composent une cour magnifique, & lui donnent un grand nombre de princes & de seigneurs pour en faire l’ornement. Ce sont les ecclésiastiques qui sont en droit d’expédier les lettres-patentes de ceux qui doivent occuper ces postes. Comme elles se vendent très-cher, & que le souverain pontife y trouve son intérêt, il est attentif à faire de tems en tems de très-nombreuses promotions. On appelle cela, en termes nazaréens, canonisation d’un saint. Ce brevet coûte cent mille écus par tête.

Ceux dont les héritiers peuvent donner une semblable somme, sont élevés à ce haut rang. Mais ceux dont les familles sont pauvres, quelque mérite qu’ils aient, se contentent d’être béatifiés. On peut comparer les premiers aux ducs, & les seconds aux marquis. Ils sont tous nobles, mais différens en dignité. Ainsi, mon cher Aaron, si toi & moi mourions nazaréens, quelque estime que nous nous eussions acquis pendant notre vie, nous n’aurions jamais pu espérer que d’avoir le rang de marquis en paradis.

La politique dans ce pays est poussée à son dernier degré. L’avidité des richesses n’y regne pas moins. C’est là le péché