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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/129

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charmé de trouver un prétexte pour me rogner pendant huit jours ma portion. Cette peur occupoit si fort l’esprit de ce moine, que, sans attendre aucune réponse, il baissa son froc, & nous quitta.

De toutes les bizarreries des nazaréens, rien ne me paroit aussi ridicule que ce ramas immense de gens, qui, tourmentés dans la solitude, sont à charge à ceux du monde. L’état le plus misérable est celui qui est le moins utile à la société ; mais celui qui lui est pernicieux & nuisible doit être en horreur parmi les gens sensés. A quoi servent en France cent mille fainéans qui sont inutiles aux arts, aux sciences & à la conservation du royaume ?

Les superstitieux nazaréens prétendent, qu’il faut qu’il y ait dans un pays des gens qui prient perpétuellement pour ceux qui ne peuvent le faire. Ils prisent infiniment les psalmodiations monacales, & les regardent comme une chose d’où dépend le salut de l’état. Ignorans ! qui ne sçavent pas, que le meilleur chant qu’on puisse adresser à Dieu consiste dans la pureté du cœur. Ils pourroient aisément se guérir de leurs préjugés, s’ils vouloient jetter les yeux sur certains pays nazaréens, d’où l’on a exilé les moines entiérement. Ils