Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/299

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au fanatisme, pour choisir pour guides de semblables prophêtes.

Je sçais, mon cher Isaac, que tout ce qui est extraordinaire frappe & saisit l’esprit du peuple : mais les pays nazaréens papistes sont plus sujets à la superstition que les autres contrées. On ne voit guère de possédés en Angleterre & en Hollande : les diables vont très-peu s’y promener. Comme il n’est point de moine dans ces états qui puisse y montrer en public la puissance que sa sainteté lui donne sur l’enfer, Belzébuth & Astaroth n’y font aucune caravane, ou du moins n’en entend-on rien dire.

Il y a quelques jours qu’on m’écrivoit de la Haye, qu’un marchand de cette ville se plaignoit d’un esprit qui venoit pendant la nuit déchirer toutes les hardes & les meubles qu’il avoit dans sa maison.

Le peuple, toujours crédule, donna d’abord dans le panneau. Chacun couroit chez le marchand, qui montroit à tout le monde quelques morceaux d’étoffe & de linge coupés & déchirés. Il racontoit mille choses plus surprenantes les unes que les autres, de la malice de cet esprit. Le grand bailiff informé de cet affaire, ordonna à l’esprit d’avoir à ne plus rien déchirer, & au marchand de