Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/322

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qui mette un frein à leur avarice, il faudra que tous les auteurs se résolvent à l’avenir d’être des corps glorieux qui n’auront besoin d’aucune nourriture. N’est-il pas étonnant qu’un libraire ne donne à M. l’abbé Grisonnet qu’un écu de six livres de la feuille de ses romans. Un écu ! s’écria un des auteurs, qui étoit ce même abbé dont on parloit. Ajoutez, monsieur Tragédin, s’il vous plaît, y compris la correction. Cela est affreux ! répondit l’ami du chevalier. Vous déshonorez la majesté de la profession d’auteur, en la ravalant à six francs la feuille, y compris la correction. Il vaudroit cent fois mieux mourir de faim.

« Mais, monsieur Tragédin, répondit le troisiéme de ces écrivains, qui n’avoit point encore parlé, vous ne songez pas, que ventre affamé n’a point d’oreilles. Il vous est fort aisé de prêcher la grandeur & la dignité qui doit reluire dans notre auguste caractère. Vous avez du bien passablement : vous pouvez vaincre l’avidité des libraires. Mais si, très-souvent dans la journée, vous n’aviez pris qu’une tasse de caffé à crédit