Page:Boyer d’Argens - Thérèse philosophe.djvu/20

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la vivacité de l’esprit des femmes de cette province, voisine de celle de Vencerop, l’heureux tempérament d’une voluptueuse Vencéropale. Mon père et ma mère vivaient avec économie d’un revenu modique et du produit de leur petit commerce. Leurs travaux n’avaient pu changer l’état de leur fortune : mon père payait une jeune veuve, marchande dans son voisinage, sa maîtresse ; ma mère était payée par son amant, gentilhomme fort riche, qui avait la bonté d’honorer mon père de son amitié. Tout se passait avec un ordre admirable : on savait à quoi s’en tenir de part et d’autre, et jamais ménage ne parut plus uni.

Après dix années, écoulées dans un arrangement si louable, ma mère devint enceinte : elle accoucha de moi. Ma naissance lui donna une incommodité qui fut peut-être plus terrible pour elle que ne l’eût été la mort même. Un effort, dans l’accouchement, lui causa une rupture qui la mit dans la triste nécessité de renoncer pour toujours aux plaisirs qui m’avaient donné l’existence.

Tout changea de face dans la maison paternelle. Ma mère devint dévote, le Père gardien des capucins remplaça les visites assidues de M. le marquis de ***, qui fut congédié. Le fonds de tendresse de ma mère ne fit que changer d’objet : elle donna à Dieu, par