Page:Boyer d’Argens - Thérèse philosophe.djvu/35

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que j’aimais mieux mourir que de déplaire à Dieu par un état aussi méprisable, qu’il ne tolérait que par un effet de sa grande bonté. Tout ce qu’elle put me dire ne m’ébranla point ; la nature affaiblie ne me laissait aucune espèce de désirs pour ce monde ; je n’envisageais que le bonheur qu’on m’avait promis dans l’autre.

Je continuai donc mes exercices de piété avec toute la ferveur imaginable. On m’avait beaucoup parlé du fameux père Dirrag ; je voulus le voir, il devint mon directeur, et Mlle Éradice, sa plus tendre pénitente, fut bientôt ma meilleure amie.

Vous connaissez, mon cher comte, l’histoire de ces deux célèbres personnages ; je n’entreprendrai point de vous répéter tout ce que le public en sait et en dit ; mais un trait singulier, dont j’ai été témoin, pourra vous amuser, et servir à vous convaincre que, s’il est vrai que Mlle Éradice se soit enfin livrée avec connaissance de cause aux embrassements de ce cafard, il est du moins certain qu’elle a été longtemps la dupe de sa sainte lubricité.

Mlle Éradice avait pris pour moi l’amitié la plus tendre, elle me confiait ses plus secrètes pensées ; la conformité d’humeur, de pratique de piété, peut-être même de tempérament, qui était entre nous, nous rendait inséparables. Toutes deux vertueuses, notre