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XI


« Ne crois pas, mon mio, que je t’aie menti, quand tu m’as fait jurer, l’autre nuit, tu sais bien…. Non, non, à ce moment-là, je pouvais dire encore qu’il n’y avait rien ; je t’assure que je n’avais qu’une appréhension. Hélas ! dès hier matin, chéri, notre sort était fixé. Mon mari m’annonçait son arrivée pour aujourd’hui, pour ce matin même, pour tout à l’heure. Quand on te remettra ce billet, il sera là. Ne m’attends donc pas à l’heure de la promenade que nous devions faire ce matin.

« J’aurais pu t’avertir dès hier : mais à quoi bon ? Je te dirai même que c’est parce que je sentais tout perdu, que j’ai accepté cette expédition d’Isola Madre, qui était d’une terrible imprudence ; mais c’était le dernier jour où je t’avais, et j’aurais fait bien pis. Tu ne m’en voudras pas de ne t’avoir pas prévenu, dis ?

« Mio, j’ai passé la nuit à me demander si j’irais te dire de vive voix ce que je t’écris. J’étais partie, ce matin, vers quatre heures ; je risquais tout, mais je t’aurais vu encore, là, bien ; je t’aurais surpris dans ton sommeil ; j’aurais vu ta chambre… Mais je n’ai