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Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/147

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ment où son ami Dante-Léonard-William vint le secouer pour l’accompagner au lunch.

La représentation de son malheur, jointe à l’ensemble de souvenirs si récents et liés à l’image de cette figure glabre du poète anglais, produisit en lui un singulier mélange et lui donna à la fois envie de rire et de pleurer. Il revoyait cet homme en train de se faire épingler une fleur d’iris à la boutonnière, et il réentendait le rire étouffé de Mme Belvidera, derrière le massif de verdure.

— J’ai trouvé quelques vers que je vous dirai, fit le poète.

Comment Mme Belvidera avait-elle pu rire plus franchement, hier, alors qu’elle savait, elle, leur prochaine séparation ? Comment ne s’était-elle pas montrée sensiblement autre durant cette journée, que les jours précédents ? Était-elle donc indifférente à la rupture de leurs relations ? Éprouvait-elle tout autre chose que de l’appréhension de l’arrivée de son mari ? Tout autour du malheureux était interrogation ; tout lui semblait enveloppé de mystère, et il avait, comme dans un cauchemar, l’angoisse de n’y pouvoir jamais rien démêler.

— Voici ces vers, dit Lee, qui commença aussitôt à les réciter.

— Ah ! au diable ! s’écria Gabriel en frappant violemment du pied le sol de sa chambre.

Lee était si sûr de lui, il avait une confiance si admirable dans la puissance de la poésie, qu’il ne crut pas un instant que son ami eût pu, par ce signe d’impatience, s’adresser à lui. Un sot se fût fâché.

— Je vous demande pardon, mon ami, mon interjection ne s’adresse pas à vous ; mais j’ai quelques ennuis…