Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/168

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juré que la nuit ne se passerait pas qu’il n’ait accompli son dessein.

Après le déjeuner à Lugano, au bord du petit lac encaissé dans les montagnes, le hasard de la promenade sous les arcades ombreuses de la ville l’ayant placé un moment seul à côté de Mme Belvidera, elle lui dit, à l’étourdie, ainsi qu’on fait pour rompre le silence :

— Eh bien ! il paraît que l’on passe la nuit à Lugano ?…

— Et que je la passe avec vous ?… lui glissa-t-il effrontément, à voix basse.

Elle le regarda avec des yeux si étonnés qu’il fut sur le point de lui faire observer qu’après tout sa proposition n’avait rien de si extraordinaire.

— Vous êtes fou ! dit-elle.

— Il y a de quoi !…

— Vous savez bien que ce que vous me demandez est impossible.

— Je ne vous ai jamais demandé que l’impossible, et vous l’avez fait.

— Taisez-vous ! taisez-vous ! dit-elle.

— Pourquoi me taire ? voici un des rares moments où nous sommes seuls. Je veux vous parler. Vous savez bien que je suis à la torture, que tout ce qui se passe m’est un supplice perpétuel, que j’ai une faim atroce de vous, Luisa, ma chérie, ma bien-aimée !…

— Chut ! je vous en prie, on vient !…

— Non ! non ! je ne me tairai pas ; entendez-vous ? Je vous aime ; je vous veux ; je vous veux !

— Mais taisez-vous donc ! mon mari est sur nos talons !

— Ce soir, entendez-vous, une heure avant le dîner ; je vous attendrai dans ma chambre, au bout du corridor, nº 27 !