Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/175

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— C’est que c’est une affaire très grave ! mademoiselle votre sœur est bien jeune, il me semble…

— Bien jeune ! elle a dix-sept ans sonnés. À seize ans, monsieur, je m’appelais déjà madame de Chandoyseau ; n’est-ce pas, Hector ?

M. de Chandoyseau se rengorgea, dans un sentiment de fierté :

— Mais certainement, ma bonne amie !

— Sans compter, reprit Mme de Chandoyseau, que ces deux partis étaient, comme je le disais, des plus honorables.

— Il faut aussi tenir compte des goûts. L’âge de Mademoiselle Solweg est celui des caprices ; mieux vaut quelquefois le laisser passer, car il passe…

— Des caprices ! Solweg avoir des caprices ! Plût au ciel qu’elle en eût ! elle nous égaierait davantage ; elle apporterait l’agrément de la jeunesse au milieu de nos relations ; elle serait curieuse, nous la promènerions, nous lui ferions voir le monde entier ! Mais non, elle n’a goût à rien ; la société lui déplaît ; elle nous a déclaré qu’elle voulait vivre avec son frère, le peintre, qui est garçon ; elle tiendra sa maison. Je vous demande si c’est une situation pour une jeune fille ?… Et sachez, monsieur, que l’un des jeunes gens qui l’ont demandée est tout simplement le fils de…

Mme de Chandoyseau, qui tenait absolument à informer Dompierre de l’excellence des partis refusés par sa petite sœur, fut interrompue par celle-ci qui vint se mettre à table à côté d’eux. On voyait qu’elle s’était fortement épongé le visage pour effacer les traces de son chagrin. Cette circonstance avivait la pureté du bleu de ses yeux, et toute sa physionomie prenait, d’une façon très saillante, cette expression de naturel et de franchise que laissent les larmes qui ont coulé. Le rose de ses joues composait pour Gabriel la figure de