Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/211

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— Venez ! vous avez besoin de prendre quelque chose, dirent-ils.

Ils l’entraînèrent à l’intérieur. Une fois seuls, M. Belvidera lui mit la main sur l’épaule :

— Voyons ! dit-il, sérieusement, où avez-vous la tête ?… Est-ce une gageure ?

C’était lui souffler le mot. Il ne l’eût pas trouvé. Puisqu’il fallait donner une raison à son escapade, autant valait celle-là qu’une autre.

— Une gageure ! vous l’avez dit. C’est absurde, c’est fou : c’est peut-être criminel, tant que vous voudrez ? C’est une gageure !

M. et Mme  Belvidera joignirent les mains :

— Enfant ! enfant que vous êtes !

Et, l’imagination lui revenant tout en prenant coup sur coup plusieurs petits verres de marsala, il ne vit plus de raison de s’arrêter dans le chemin de mensonge où on l’avait innocemment introduit.

— Et, dit-il, vous ne devineriez pas la personne qui a tenu cette gageure contre moi ?

Il cherchait encore, à part lui, la personne qu’il pourrait bien nommer.

— Oh ! dit Mme  Belvidera, je ne vois guère que madame de Chandoyseau qui soit assez…

— Chut ! fit-il, il suffit, madame ; vous avez trouvé !… Mais, je vous en prie, ne lui infligez aucun blâme : elle a pris la chose en riant et je suis le seul coupable.

Un mouvement se produisit dans la salle où ils étaient et l’on aperçut, au milieu de plusieurs personnes qui le soutenaient, un jeune homme affreusement pâle, les vêtements désordonnés et mouillés, les cheveux trempés. On le poussait comme malgré lui, on l’emmenait.

— Ah ! dit Mme  Belvidera que Gabriel interrogeait des yeux, c’est abominable ! Il vient de perdre sa jeune femme, une petite princesse hongroise ; c’étaient de