Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans ce coffret fermé du cœur des jeunes filles qui n’ont ni mère, ni confidente.

Luisa s’arrêta un instant. Solweg dut voir dans ses yeux pourtant ce qu’elle avait de bonté, et elle se fit accueillante :

— Oh ! comme vous êtes aimable, dit-elle, de venir vous informer de moi.

Mme  Belvidera lui demanda comment elle se trouvait.

— J’ai une grande faiblesse ; je ne suis pas plus forte qu’un poulet ; mais je ne souffre plus comme cette nuit…

— Qu’aviez-vous donc ?

— Oh ! j’étais comme si on m’avait battue, rouée de coups… Ça ne m’est jamais arrivé d’être battue et rouée de coups, ni à vous, madame, n’est-ce pas ? ajouta-t-elle en souriant, mais on se figure quelquefois ce que ça doit être.

Luisa n’osait lui demander ce qui s’était passé, ce qui avait pu lui causer cela. Solweg dit d’elle-même :

— Je pense que c’est l’orage. Je suis un peu nerveuse. C’est certainement l’orage.

— Qu’a dit le médecin ?

— Oh ! les médecins !

— Quoi ! petite sceptique, vous ne croyez pas aux médecins ?

— Je ne suis pas sceptique, dit-elle, et la preuve, c’est que je suis de l’avis de mon frère le peintre, qui ne croit qu’aux devins.

— Aux devins !

— Vous voyez bien, c’est vous qui êtes sceptique et non pas moi ! Mon frère, qui ne croit qu’aux grâces innées, aux talents spontanés, croit qu’il y a un certain nombre d’hommes qui ont reçu du ciel le don particulier de voir clairement nos maux et leurs causes profondes. Ce serait une science qui ne s’apprendrait