Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/59

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— Les voilà ! criait Mme  Belvidera.

— Qui ? les touristes ?

— Non, les colombes !

Et elle était tout heureuse de lui avoir fait peur ; car il en arrivait à partager sa crainte de tomber dans cette agglomération compacte de malheureux réunis autour d’un guide qui leur récite durant une grande heure le catalogue complet de l’horticulture. Il s’arrêta en face d’une portière de lierre qui devait fermer l’entrée d’une grotte, et fit signe à la jeune femme de venir se réfugier là-dessous. Il souleva l’énorme et lourd rideau végétal, et ils se trouvèrent dans une obscurité complète.

— Oh ! comme il fait noir là-dedans ! dit-elle.

Alors, il la saisit dans ses bras. Il lui baisait confusément les cheveux, le cou et le visage, et ses lèvres ivres lui happaient la gorge dont la forme était sensible au travers de la chemisette légère. L’odeur de sa peau moite se mêlait bizarrement à un relent de terreau gras sans doute déposé dans la grotte, et à l’âpre saveur des lierres.

— Écoute, écoute ! fit-elle, oh ! cette fois-ci ce sont eux… Nous allons les voir passer à travers le rideau de lierre !

— Ah ! mais… ah ! mais… il ne faudrait pas tout de même qu’ils s’avisassent d’entrer ici !

— Il ne manquerait que cela ! par exemple !

— Mais cela serait très possible !

— Oh ! que j’ai peur ! que j’ai peur !

Elle allait se blottir au fond de la grotte. Elle renversa des outils de jardinage dont l’acier se choquant fit du bruit, et elle vint plus morte que vive se jeter au cou de Gabriel.

Fort heureusement, un éclat de rire général, parti du groupe des touristes, avait couvert le bruit malen-