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LA MAISON DE LA RUE DE LA BOURDE

moral, que l’on ne saurait comparer qu’à cette blonde lumière qui orne les joues de l’adolescence. Elle avait gardé l’âge de tous les élans, de toutes les générosités, l’âge où l’homme ignore l’impossible.

Elle ne s’était point mariée, non qu’elle fût laide ou méprisante, mais parce qu’à la suite d’une enfance délicate, le bruit s’était répandu qu’elle manquait de santé. D’excellentes amies de la famille assez généreuses pour s’intéresser beaucoup à elle, avaient contribué, à force de bons soins, à affermir cette opinion contre quoi rien n’avait prévalu.

La vulgarité des hommes l’avait consolée du célibat. Longtemps, cependant, elle avait espéré le héros que rêvent les jeunes filles. Il en existait, puisqu’elle avait approché un Châteaubriand.

Elle était demeurée près de son frère qu’elle adorait. Il s’était marié, avait eu des enfants ; elle avait vu se dérouler à côté d’elle l’épisode d’un court bonheur ; puis des deuils, des malheurs de fortune étaient survenus qui avaient réduit la famille à une nièce, Geneviève, grande jeune fille de dix-sept ans, achevant son éducation au pensionnat du Sacré-Cœur de Marmoutier.

Souvent, avant l’heure de dîner, Mlle Cloque descendait, sous le prétexte de jeter un coup d’œil à la cuisine, causer avec sa vieille bonne, Mariette.