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Page:Boylesve - Mademoiselle Cloque, 1899.pdf/174

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EXÉCUTION

qu’elle essayait de la flatter dans ce qu’elle avait d’innocente sensualité !

Par cette enfant ignorante et naïve, la ténacité, l’aveuglement et la sombre puissance de l’amour étaient révélés à la vieille Mlle Cloque. À soixante-dix ans, elle trembla comme avait fait déjà Geneviève en recevant la rose de la main de Marie-Joseph ; et elle eut peur comme à la présence soudaine d’un ennemi plus redoutable qu’elle n’en avait jamais imaginé.

— Geneviève ! dit-elle.

— Tante ?

— Geneviève ! tout ce que je te dis, c’est comme si je chantais !…

La jeune fille sans répondre se laissa retomber à genoux, se cachant la figure contre la jupe de sa tante, et ses sanglots reprirent de plus belle. Peu à peu, entre les spasmes qui la secouaient, et tout en mâchonnant son mouchoir humide, elle tâchait d’articuler quelques mots :

— Non !… non !.. ne crois pas ça… tante ! je t’aime bien, va !… Si tu savais !… tu as raison, tante… oui, oui… je suis sûre que tu as raison… Je comprends bien, va, tout ce que tu me dis. Ah ! si tu savais !…

— Mais si je savais quoi ? Voyons, ma chère enfant ; quoi ?

— Je ne sais pas ! je ne sais pas !…

Et Geneviève secouait entre les genoux de la tante, la masse épaisse de sa chevelure blonde.