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Page:Boylesve - Mademoiselle Cloque, 1899.pdf/274

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NIORT-CAEN

Tel était son trouble qu’elle ne chercha pas à s’expliquer la présence des Jouffroy chez Niort-Caen ; elle tomba dans le fiacre qui reprit sa course sous la pluie.

Elle n’éprouvait qu’un aplatissement ; il lui semblait qu’on se fût assis sur elle, qu’on l’eût piétinée. Elle resta ahurie le long de la descente de la Tranchée. Un employé de l’octroi en ouvrant la portière à l’entrée de la ville, la fit sursauter.

— Rien à déclarer ?

— Non, non ! fit-elle, je n’ai rien à déclarer.

Et elle pensa à son dénuement. Elle revoyait, sous la lampe, au fond de la grande pièce, la figure de celui contre qui elle venait de se briser les ailes comme un pauvre oiseau de mer désemparé qui se heurte à la dure lentille du phare. Son oreille était pleine du timbre métallique et des syllabes nettes et comptées, qui tranchaient, au tissu de la conversation, exactement ce qu’il fallait, exclusivement ce qu’il fallait. C’était bien l’homme qui réduisait l’église de Saint-Martin à la dimension d’un mouchoir de poche : l’indispensable pour la petite piété moderne ! l’homme qui transformait un quartier voué à Dieu en un profane champ de foire ! Et, tout ce qu’elle eût dû lui dire, lui montait à présent à la tête et se formulait sur ses lèvres : « Mais non ! fit-elle, il n’aurait pas compris. » C’était pour la même raison qu’il était resté silencieux.