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Page:Boylesve - Mademoiselle Cloque, 1899.pdf/288

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LES DEUX BLESSÉES

me laisserait pas barbouiller comme cela du papier…

— Dis donc ! mon enfant, interrompit Mlle Cloque, il me semble que tu as fait beaucoup de dépenses pour ta toilette ! Sais-tu ce qu’il te reste pour ta demi-saison ?

Mais c’était au tour de Geneviève de ne pas entendre. Penchée sur le pupitre ouvert, elle touchait de ses doigts longs, un peu trop maigres, les feuilles de papier de tout format et de toutes nuances, que couvrait son écriture. Elle attendait que sa tante comprît enfin et la grondât d’écrire. Ah ! comme elle désirait, de son cœur meurtri, de sa passion étouffée, et de la frénésie de ses sens inconnus, comme elle désirait être grondée à cause de cela ! Il y avait si longtemps qu’on ne parlait de rien !

Mlle Cloque comprenait trop bien. Sans y regarder de plus près, elle devinait sur ces feuilles, les naïves confidences, les vers construits à coups de dictionnaire des rimes, à l’imitation des pièces d’anthologie ou des cantiques de couvent. Elle savait quel nom elle y lirait, entrelacé probablement dans chaque strophe. N’avait-elle pas trouvé un paroissien dont Geneviève se servait à Marmoutier, où, dans le texte des évangiles, les noms de « Marie » et de « Joseph » étaient soulignés au crayon ou à l’ongle autant de fois qu’ils y étaient imprimés ?

La vieille tante ne broncha pas. Elle tenait