logue de cauchemar qui la torturait depuis six semaines, se reformulait dans sa tête endolorie : « Il t’aime ! il t’aime ! » — « Non ! non ! » — « Il t’aime ! il t’aime ! pourquoi a-t-il monté l’escalier derrière toi ? » — « Non ! non ! il ne m’aime pas. » — « Et toi ? »
C’est alors qu’elle devenait folle, qu’elle se mettait à rire parce qu’elle voyait un chat s’arrêter sur un mur en la regardant ; c’est alors que le son des cloches dans la campagne, ou la fuite du train rapide, la rendaient malade ; c’est alors, parfois, qu’elle embrassait son mari. Et la voix intérieure, odieuse et chérie, ajoutait en ce moment : « Il t’attendait depuis six semaines à la porte du café, le monocle à l’œil, te guettant dans la rue… »
Elle restait les yeux fixés en bas, droit devant elle, sur les glaces de la pâtisserie Roche, sans rien distinguer.
— Tu le vois encore ? demanda Mlle Cloque.
— Qui ça ? mon mari ? Non.
À ce rappel, ses yeux se débrouillèrent et elle baissa aussitôt le rideau du vitrage :
— Ah ! bien ! fit-elle, crois-tu ? J’étais là à regarder tes ennemies en face et je ne les voyais pas ! C’est un peu fort !…
— Mes ennemies ? demanda Mlle Cloque.
— Ces deux vieilles perruches de Jouffroy ! Elles sont là chez Roche et elles lorgnent par ici tant qu’elles peuvent…