Page:Bréal - Essai de Sémantique.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
123
LA RESTRICTION DU SENS.

porte la terre, surtout du blé, et c’est en cette seule acception qu’il a survécu.

Plus le verbe est de signification générale, mieux il s’adapte aux diverses professions. Ainsi facio, dans la langue des temples, signifie apporter une offrande, offrir une victime. De là des locutions comme facere catulo, facere ture, sacrifier un chien, offrir de l’encens. — Ce même verbe facio, dans la langue politique, s’applique à l’action combinée d’un parti en vue d’un but à atteindre[1]. On a trouvé sur les murs de Pompéi, qui, comme on sait, fut engloutie en pleine période électorale, quantité d’inscriptions avec cet impératif : Caupones, facite… Pomari, facite… Lignari, facite… Unguentari, facite… Ce qui veut dire : « Entendez-vous ! Unissez-vous ! » On comprend dès lors le sens du mot factio. Ce qui caractérise la faction, c’est le lien, c’est le pacte qui rattache entre eux tous les adhérents[2].

Adulterare est un composé de alterare : il avait à peu près le même sens. On disait adulterare colores, « changer les couleurs », adulterare nummos, « falsifier les monnaies », adulterare jus, « fausser le droit ». Mais comme on a dit aussi adulterare matrimonium,

  1. Cicéron écrit que tous les hommes perdus de réputation se groupent autour de César : omnes damnatos, omnes ignominia affectos illac facere. — Rapprocher aussi la locution : Tecum facio (je fais cause commune avec vous).
  2. Entendu en ce sens, le contraire de facio est deficio. Ce qu’une faction ou un parti est le moins disposé à pardonner, c’est la défection de l’un des siens.