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LA MÉTAPHORE.

d’Europe a fait à son heure[1]. J’en donnerai un seul exemple. Pour exprimer : « Je ne suis pas d’accord avec vous », les Grecs disent : ἐγὼ δὲν συμφωνῶ. N’est-ce pas ce que dit aussi l’Allemand : Ich stimme nicht mit Ihnen überein ? Ou simplement : Es stimmt nicht. Fallait-il se l’interdire parce qu’il nous a plu de créer le mot symphonie ? Au reste, le grec a tout l’air d’être ici l’original, et nous les imitateurs, car déjà sur les papyrus égyptiens du temps des Ptolémées nous avons σύμφωνον en parlant d’un accord intervenu entre deux parties.

La loi des métaphores est la même que pour tous les signes. Une métaphore étant devenue le nom de l’objet peut de nouveau, partant de cette seconde étape, être employée métaphoriquement, et ainsi de suite. C’est ce qui fait que pour les philologues les langues modernes sont d’une étude plus compliquée que les anciennes. Mais pour l’enfant qui apprend à les parler la complication n’existe pas : le dernier sens, le plus éloigné de l’origine, est souvent le premier qu’il apprend. Ce qu’on appelle l’argot ou le slang se compose en grande partie de métaphores plus ou moins vaguement indiquées : cependant c’est une langue qui s’apprend aussi vite que les autres.


  1. Voir des imitations du latin par le vieil irlandais, Journal de Kuhn, XXX, 255, article de Zimmer.