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QU’APPELLE-T-ON PURETÉ DE LA LANGUE ?

obligé de nous tenir étroitement au travail qui nous sert de guide, et en remplaçant à l’occasion ses exemples par des exemples tirés de notre propre histoire.

Disons d’abord qu’il faut qu’il y ait quelque chose de vrai dans cette idée de pureté, puisque tant d’esprits, chez les anciens comme dans les temps modernes, s’en sont montrés préoccupés. Mais il n’est pas facile de justifier aux yeux du raisonnement ce que le sentiment nous dit sur ce chapitre. Aussitôt que l’on veut formuler quelques principes, les esprits se divisent, l’incertitude commence. Les artistes, les poètes n’en parlent que d’instinct ; les linguistes, en y voulant apporter leurs lumières, y apportent en même temps leurs systèmes. Voyons s’il sera possible, en écartant les partis pris, d’y mettre un peu de clarté.


Un premier point à examiner concerne les mots étrangers.

Beaucoup de préjugés embarrassent la route. Le premier de tous, ou, pour parler comme Bacon, la première « idole », celle dont dérivent toutes les autres, c’est de voir dans la pureté de la langue quelque chose de semblable à la pureté de la race. Pour ceux qui voient les choses de cette manière,