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QU’APPELLE-T-ON PURETÉ DE LA LANGUE ?

l’introduction d’un mot étranger est une contamination : un terme anglais ou allemand introduit en français est une tache imprimée à la langue nationale. Ce n’est pas chez nous que cette manière de voir se rencontre le plus fréquemment. Nos voisins, les Allemands, depuis un siècle, élèvent barrière sur barrière pour arrêter l’immigration des mots français. Depuis Adelung, on ne compterait pas le nombre des manifestes lancés contre les mots étrangers[1], ni celui des sociétés qui se sont proposé de combattre l’invasion. Les mots étrangers méritent-ils à ce point l’animadversion ? N’y a-t-il pas des distinctions à faire, un modus vivendi à adopter ? tous les mots étrangers sont-ils également condamnables ?


Quand un art, une science, une mode, un jeu nous vient de l’étranger, il fait passer ordinairement en sa compagnie et du même coup le vocabulaire à son usage. On a plus vite fait de se l’approprier que d’inventer des termes exprès pour désigner des idées ou des objets ayant déjà leur nom. Une certaine musique nous étant venue au xviie siècle d’Italie, notre langue musicale s’est remplie de mots italiens. En parlant d’un adagio, en nommant une sonate, qui songe

  1. L’un des derniers en ce genre est celui du professeur Herman Riegel : Ein Hauptstück von unserer Muttersprache. Mahnruf an alle national gesinnten Deutschen, 1884.