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QU’APPELLE-T-ON PURETÉ DE LA LANGUE ?

beaucoup plus de pouvoir que pour créer : l’origine des mots se perd presque toujours dans une demi-obscurité ; mais on peut souvent nommer ceux qui les discréditent, les abaissent ou les vident de leur sens.


Cette question du néologisme présente les aspects les plus divers.

Condamner le néologisme en principe et d’une manière absolue serait la plus fâcheuse et la plus inutile des défenses. Chaque progrès dans le langage est d’abord le fait d’un individu, puis d’une minorité plus ou moins grande. Un pays où il serait interdit d’innover, retirerait à son langage toute chance de se développer. Par néologisme, il faut entendre aussi bien un sens nouveau donné à un mot ancien qu’un vocable introduit de toutes pièces. De même que le changement qui modifie la prononciation est à la fois imperceptible et constant, à tel point que l’étranger qui revient dans un pays après trente ans d’absence, peut apprécier la marche du temps, de même la signification des mots se transforme sans cesse, sous l’action des événements, des découvertes nouvelles, des révolutions dans les idées et dans les mœurs. Un contemporain de Lamartine aurait de la peine à comprendre le langage de nos journaux.