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L’HISTOIRE DES MOTS.

inconnu ; si les images sont justes et pittoresques, elles trouvent accueil et se font adopter. Employées dans le principe à titre de figures, elles peuvent devenir à la longue le nom même de la chose.

Ce chapitre de la métaphore est infini. Il n’est rapport réel ou ressemblance fugitive qui n’ait fourni son contingent ; les traités de rhétorique ne contiennent trope si hardi que le langage n’emploie tous les jours comme la chose du monde la plus simple. Les exemples sont si nombreux que la seule difficulté est de choisir.

En tout temps le vocabulaire maritime paraît avoir offert un attrait particulier à l’habitant de terre ferme : de là, pour les actes les plus ordinaires, un apport continuel de termes nautiques. Accoster un passant, aborder une question, échouer dans une entreprise, autant de métaphores venues de la mer. Des mots employés à tout instant, comme arriver, ont la même origine. Il ne faut pas croire qu’il en soit seulement ainsi dans les langues modernes. Le verbe latin signifiant « porter », portare, qui de bonne heure a commencé de disputer la place à fero, et que Térence emploie déjà en parlant d’une nouvelle qu’on apporte, signifiait « amener au port ». Nous en avons repris quelque chose dans importer, exporter et déporter. C’était un terme de marine marchande. Le grec, sur ce point, s’est montré moins novateur, de sorte que portare