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L’HISTOIRE DES MOTS.

dans toutes les phrases composées des mêmes éléments logiques. Mais il n’en est rien. Cette régularité n’existe point, parce qu’une langue n’est point un assemblage de mots, mais qu’elle renferme des groupes déjà assemblés et pour ainsi dire articulés. Dans les inscriptions chrétiennes des premiers siècles, on voit qu’au milieu d’un latin extrêmement incorrect et déjà à moitié roman, subsistent des formules entières d’une latinité très supportable : ce sont les formules qu’un usage quotidien empêchait d’oublier, et dont une connaissance préalable dispensait d’analyser et de comprendre les éléments. Un peuple qui désapprend sa langue ressemble un peu à l’écolier qui récite une leçon à moitié sue : s’il y a des morceaux dont les mots ne se présentent qu’isolément et imparfaitement à sa mémoire, il y en a d’autres qui reviennent en bloc et passent tout d’une haleine. Nous observons encore quelque chose de semblable quand deux idiomes se côtoient et se mêlent, par exemple sur les frontières de deux pays ; ce ne sont pas seulement des mots, mais des phrases qui passent d’un peuple à l’autre. L’étude de M. Schuchardt sur le mélange des langues en fournit des exemples aussi étranges que variés.

On enseigne, non sans raison, que les cas de la déclinaison latine n’existent plus en français : cependant leur et Chandeleur sont des génitifs pluriels. Ce n’est sans doute point par un don spécial de