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LOI DE SPÉCIALITÉ.

son’s age. De cette façon l’anglais a su se donner deux variétés différentes de génitif, l’une avec s, l’autre avec of, l’une progressive, l’autre régressive. Exemple curieux qui montre comment, par l’assouplissement, on peut perfectionner le mécanisme et élargir les ressources d’une langue[1].

La conjugaison anglaise va nous offrir un autre exemple de la loi de spécialité.

Parmi les langues modernes, la plus analytique est sans aucun doute l’anglais. On a souvent dit que ce caractère analytique était dû au mélange de la grammaire anglo-saxonne et de la grammaire française : explication qui, énoncée de cette façon, est inexacte. Ce qui est vrai, c’est que les classes supérieures de la société, en se servant du français pendant plusieurs siècles, avaient abandonné l’usage de l’anglais aux classes populaires. Or — nous venons de le voir, — c’est la partie cultivée de la nation qui ralentit l’évolution du langage. Là où les aristocraties se désintéressent de la langue nationale, cette évolution prend une marche accélérée.

La conjugaison germanique, avec ses règles compliquées, qui sont une grosse difficulté pour l’étranger, ne laisse pas que d’être assez difficile

  1. Il y a, comme le fait remarquer M. Jespersen, une certaine élégance mathématique à remplacer par une simple lettre les désinences si variées du latin. Mais on ne peut douter que les anciens prenaient plaisir à cette variété : c’était comme une série d’accords musicaux qu’ils aimaient à entendre résonner et se mélanger. Le langage s’est dépouillé de ce luxe un peu enfantin.