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LES LOIS INTELLECTUELLES DU LANGAGE.

aussi pour les indigènes. Jacob Grimm compte pour l’allemand jusqu’à douze classes de conjugaison, dont les spécimens plus ou moins bien conservés se retrouvent également en anglais. Je veux parler des verbes comme I give, I gave ; I bind, I bound ; I dig, I dug ; I hold, I held, etc.

On sait comment l’anglais moderne remédie à cette difficulté : au lieu et place de ces présents, de ces prétérits à formations multiples, il emploie, ou du moins il est libre d’employer le présent I do, le prétérit I did, en faisant du verbe un mot invariable. Le changement a commencé par les tours interrogatifs et négatifs. Puis le verbe do, continuant ses progrès, s’est introduit dans les phrases simplement affirmatives. Supposons que par un nouveau pas en avant, il s’impose aux phrases affirmatives, il y devienne d’un emploi constant et obligatoire, l’anglais aura substitué son verbe auxiliaire à tous les autres verbes. Celui-ci se chargera alors d’exprimer les idées de temps, de personne, de mode, ainsi que celle d’affirmation, que chaque verbe marquait jusque-là pour son compte. Dès à présent le verbe do est si prêt à tous les usages qu’il peut se servir d’auxiliaire à lui-même.

Mais l’universalité de l’emploi a sa contre-partie. Quand do accompagne un autre verbe, il n’est plus qu’un outil grammatical. Par une division qui paraîtrait extrêmement subtile si elle avait été faite du