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LES LOIS INTELLECTUELLES DU LANGAGE.

Cette faculté d’employer les adjectifs à un genre qui semble être sorti de la langue tient à la présence d’un certain nombre de pronoms neutres qui ont été sauvés du naufrage, savoir le (« je ne le souffrirai pas, me le pardonnerez-vous ? »), ce (« ce fut la cause de ses malheurs, ce n’est pas qu’il soit méchant, c’est à vous de commencer… »), que (« que ferons-nous, que vous en semble ? »), quoi (« quoi de plus insensé, un je ne sais quoi… »). Il a suffi de ces mots et de quelques autres semblables pour maintenir le genre neutre dans l’esprit et dans la langue, et pour lui permettre une extension qui n’est pas près de s’arrêter. Nous voyons même que des substantifs féminins, comme quelque chose, rien, ont perdu leur genre pour passer au neutre.


Voici un exemple de survivance pris en dehors des pronoms.

Le français a perdu sa déclinaison, et cependant il continue d’employer des ablatifs absolus. « Lui mort, toutes nos espérances sont anéanties. » — « La nouvelle s’étant répandue, des attroupements se formèrent. » Qu’avons-nous autre chose ici, que des propositions absolues à la manière latine ? devant une construction de ce genre, notre analyse logique reste en défaut. C’est un des exemples qui montrent