presser de lui donner quelque explication ; mais elle garda le silence jusqu’à ce qu’il eût achevé, et même alors elle ne dit mot.
— Aurora… Aurora, est-ce vrai ?…
— Parfaitement vrai.
— Mais pourquoi vous êtes-vous enfuie de la rue Saint-Dominique ?
— Je ne puis vous le dire.
— Et où étiez-vous entre le mois de juin 1865 et le mois de septembre dernier ?
— Je ne puis vous le dire, Talbot. C’est mon secret, et je ne puis vous le dire.
— Vous ne pouvez me le dire ! Il y a dans votre vie une période de plus d’un an dont on ne peut se rendre compte ; et vous ne pouvez me dire, à moi, votre fiancé, ce que vous avez fait pendant cette année-là ?
— Non, je ne le puis.
— Alors, Aurora, vous ne serez jamais ma femme.
Il s’imagina qu’elle allait s’élancer vers lui, sublime d’indignation et de fureur, et que l’explication qu’il désirait si ardemment allait sortir de ses lèvres en un torrent des paroles passionnées et courroucées ; mais elle se leva, et, se tournant de son côté en chancelant, elle tomba à genoux à ses pieds. Aucune autre action n’aurait pu frapper son cœur d’une pareille terreur ; celle-ci lui semblait un aveu de sa culpabilité. Mais quelle faute avait-elle commise ? Quelle faute ? Quel était le sombre secret de la courte existence de cette jeune créature ?
— Talbot… — dit-elle d’une voix tremblante, qui lui fendit l’âme, — Talbot, Dieu sait combien de fois j’ai prévu et redouté cette heure-ci. Si je n’avais pas été lâche, j’aurais devancé cette explication. Mais je pensais… je pensais que l’occasion ne pourrait jamais se présenter ; ou que, lorsqu’elle se présenterait, vous seriez généreux et… que… vous auriez confiance en moi. Si vous pouvez avoir confiance en moi, si vous pouvez, Talbot, croire que ce secret n’est pas… honteux…
— Pas honteux ! — s’écria-t-il. — Ô ciel ! Aurora, de-