Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome I.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
124
AURORA FLOYD

que devait occuper Aurora, était vide. Bulstrode se détourna de ce tableau si gaiement éclairé, et monta à la hâte l’escalier qui conduisait à sa chambre, où il trouva son domestique qui avait apprêté les habits de son maître, et l’attendait tout étonné de ce qu’il n’était pas venu s’habiller.

Cet homme recula en voyant le visage de Talbot d’une pâleur mortelle, que faisait ressortir la lumière des bougies placées sur la table de toilette.

— Je pars, Philman, — dit le Capitaine parlant très-vite et d’une voix troublée et peu distincte ; — je pars par le train express de ce soir, si je peux arriver à Londres à temps pour le prendre. Emballez mes effets et partez après moi. Vous pourrez me rejoindre à la station de Paddington. J’irai à pied jusqu’à Beckenham, et je prendrai le premier convoi. Donnez ceci aux domestiques pour moi.

Il tira une poignée d’or et d’argent de sa poche et la mit dans la main de son domestique.

— Aucun malheur n’est arrivé à Bulstrode, j’espère, monsieur ? — dit le domestique. — Sir John est-il malade ?

— Non, non ; j’ai reçu une lettre de ma mère… Je… Vous me trouverez au Great Western…

Il prit son chapeau et se hâtait de sortir de la chambre ; mais son domestique le suivit avec son pardessus.

— Vous vous rendrez malade, monsieur, par une soirée comme celle-ci, — dit le domestique d’un ton de respectueuse remontrance.

Le banquier était debout à la porte de la salle à manger, lorsque Talbot traversa le vestibule. Il disait à un domestique d’aller chercher sa fille.

— Nous attendons tous Mlle Floyd, — dit le vieillard ; — nous ne pouvons dîner sans elle.

Sans être vu, grâce à la confusion, Talbot ouvrit doucement la grande porte, et se glissa à l’air froid du soir. La longue terrasse étincelait des lumières qui brillaient au travers des fenêtres hautes et étroites, comme le soir où il était venu pour la première fois à Felden, et devant lui se déployait le parc avec ses arbres nus et sans feuilles, la terre était blanchie d’une légère couche de neige, — et au-