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AURORA FLOYD

dessus de lui le ciel était gris et sans étoiles, spectacle froid et désert qui contrastait tristement avec la chaleur et l’éclat qu’il laissait derrière lui. Tout cela était l’image de la crise de sa vie. Il quittait la douce chaleur de l’amour et de l’espérance pour le froid de la résignation ou les glaces du désespoir. Il descendit les marches de la terrasse, traversa les allées coquettes du jardin, et entra dans ce vaste parc mystérieux. La longue avenue, par cette lumière grisâtre, paraissait peuplée de spectres : les réseaux des branches qui s’entrelaçaient au-dessus de sa tête formaient des ombres noires, qui tremblotaient sur le sol blanchi qu’il foulait aux pieds. Il marcha jusqu’à la distance d’un quart de mille avant de se retourner pour regarder en arrière les fenêtres étincelantes. Il ne s’éloigna pas avant qu’un détour de l’avenue ne l’eût amené à un endroit d’où il pût voir la fenêtre, faiblement éclairée, de la chambre où il avait laissé Aurora. Il resta quelque temps à regarder cette pâle lueur, à penser, à penser à tout ce qu’il avait perdu, et à tous les dangers auxquels il avait peut-être échappé, à penser à ce que sa vie allait être désormais sans cette femme, à penser qu’il eût mieux aimé être le plus pauvre garçon de charrue de la paroisse de Beckenham que l’héritier de Bulstrode, s’il avait pu serrer sur son cœur la jeune fille qu’il aimait, et croire à sa pureté.


CHAPITRE X

La lutte.

La nouvelle année commença dans la tristesse à Felden, car elle trouva Floyd veillant au chevet de sa fille unique. Le soir du départ de Talbot, Aurora avait pris sa place à la longue table du dîner ; et, si ce n’est qu’elles étaient