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AURORA FLOYD

peut-être un peu plus vives et plus brillantes que d’ordinaire, ses manières n’avaient nullement changé après cette terrible entrevue. Elle avait causé avec Mellish, joué et chanté avec ses jeunes cousins ; elle s’était tenue derrière son père, observant ses cartes au milieu de toutes les chances d’un rob de whist, et le lendemain matin sa femme de chambre l’avait trouvée atteinte d’une fièvre furieuse, les joues en feu, les yeux éraillés, ses longs cheveux tout épars et en désordre sur les oreillers, et les mains sèches et brûlantes au toucher. Par le télégraphe, on fit venir de Londres deux graves médecins, qui arrivèrent à Felden avant midi, et la maison fut abandonnée de tous ses hôtes à la tombée de la nuit ; il ne resta plus que Mme Alexandre et Lucy pour aider à soigner la malade. Les médecins du West End dirent fort peu de chose. Cette fièvre avait pour eux le caractère des autres fièvres. La jeune fille avait peut-être pris froid ; elle avait été imprudente, comme le sont les jeunes personnes, et elle avait été saisie d’un frisson subit. Elle s’était très-probablement échauffée plus qu’il ne fallait à danser, ou elle s’était assise dans un courant d’air, ou elle avait mangé une glace. Il n’y avait pas de danger immédiat à redouter. La malade avait une superbe constitution ; elle était douée d’une vitalité merveilleuse, et, avec des soins et un bon traitement, elle serait bientôt sur pied. Le bon traitement voulait dire une visite tous les jours de chacun de ces deux savants docteurs au prix de deux guinées ; quoique peut-être, s’ils eussent exprimé leurs plus intimes pensées, ils eussent avoué que, malgré tout ce qu’on pourrait dire de contraire, Aurora n’avait besoin que de rester tranquille, dans une chambre sans lumière, pour soutenir cette lutte contre elle-même. Mais le banquier aurait voulu mander tout Royal College au chevet de son enfant malade, s’il eût pu, par une semblable mesure, lui épargner un instant de souffrance ; et il supplia les deux médecins de venir à Felden deux fois par jour, si cela était nécessaire, et d’appeler d’autres médecins en consultation, s’ils avaient la moindre crainte pour leur malade. Aurora eut un accès de délire ; mais dans son