Aller au contenu

Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome I.djvu/6

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
2
AURORA FLOYD

un merveilleux paysage anglais est baigné dans une brume vaporeuse, qui s’épaissit à mesure que des obscures profondeurs des forêts et des sentiers bordés de haies se répandent les ombres du crépuscule, et que tous les contours du paysage se détachent d’une manière plus indécise sur le fond du ciel dont la pourpre prend une teinte de plus en plus foncée.

Le soleil à son déclin illumine encore d’une splendeur éblouissante la façade monumentale d’un vaste château, construit en briques rouges, du style en faveur au commencement de l’ère des Georges, et semble la quitter à regret. Les longues rangées de fenêtres étroites paraissent comme embrasées sous le reflet de cette lueur vermeille, et plus d’un brave villageois, en retournant au logis, s’arrête pour regarder au-delà de la pelouse couverte de rosée, et du paisible lac, craignant presque que l’éclat de ces fenêtres ne provienne d’une cause surnaturelle et que la maison de M. Floyd ne soit en feu.

Ce superbe château en briques rouges appartient à maître Floyd, comme les paysans du Kent l’appellent dans leur patois, à Archibald-Martin Floyd, de la grande maison de banque Floyd, Floyd et Floyd, de Lombard Street, dans la Cité.

Les paysans du Kent connaissent très-peu cette maison de banque de la Cité, car depuis longtemps Archibald-Martin, l’associé principal, ne prend plus une part active aux affaires, qui sont gérées entièrement par ses neveux André et Alexandre Floyd, l’un et l’autre entre deux âges, hommes rangés, possédant famille et maisons de campagne ; tous deux sont redevables de leur fortune à leur oncle qui, quelque trente ans auparavant, les avait placés dans sa maison, alors qu’ils n’étaient encore que de jeunes Écossais rougeauds, grands, efflanqués, d’un blond ardent, tout frais débarqués d’un village situé au nord d’Aberdeen, et d’un nom impossible à prononcer.

Dans les premiers temps qu’ils étaient entrés dans la maison de leur oncle, ces jeunes messieurs écrivaient leurs noms Mc Floyd ; mais ils n’avaient pas tardé à suivre le sage exemple de leur parent et à abandonner la redoutable