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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome I.djvu/7

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AURORA FLOYD

particule. « Nous n’avons pas besoin de dire à ces gens du Midi que nous sommes Écossais, » fit remarquer Alick à son frère, la première fois qu’il écrivit son nom A. Floyd tout court.

La maison de banque écossaise avait merveilleusement prospéré dans l’hospitalière capitale de l’Angleterre. Un succès sans précédent avait couronné toutes les entreprises de la vieille et honorable maison Floyd, Floyd et Floyd. Il y avait plus d’un siècle, en effet, que la raison commerciale était constamment Floyd, Floyd et Floyd ; car à mesure qu’un membre de la maison venait à baisser ou à mourir, du vieux tronc surgissait une branche plus vivace, et il n’y avait pas encore eu lieu de changer la triple répétition du nom si bien connu sur les plaques de cuivre qui ornaient les portes en acajou de la maison de banque. C’est une de ces plaques de cuivre que, trente ans environ avant la soirée du mois d’août où commence mon récit, Archibald-Martin Floyd montrait du doigt à ses neveux, qui n’avaient encore que la peau et les os, la première fois qu’il leur fit franchir le seuil de sa maison d’affaires.

— Voyez, mes enfants, — dit-il, regardez les trois noms gravés sur cette plaque de cuivre. Votre oncle George a plus de cinquante ans et il est célibataire : c’est le premier nom ; notre cousin germain, Stephen Floyd, de Calcutta, va se retirer des affaires avant peu : c’est le second nom ; le troisième est le mien, et j’ai trente-sept ans, souvenez-vous-en, mes enfants, et je ne suis pas disposé à faire la folie de me marier. Bientôt on aura besoin de vos noms pour remplir les vides ; en attendant, faites bien attention à les conserver purs ; car, pour peu qu’ils soient souillés d’une tache, il leur faudra renoncer à jamais à être inscrits sur cette plaque de cuivre.

Peut-être nos jeunes Écossais tout frais débarqués prirent-ils à cœur cette leçon ; ou peut-être bien la probité était-elle une vertu naturelle et innée dans la maison Floyd. Quoi qu’il en soit, ni Alick ni André ne déshonorèrent leurs ancêtres ; et lorsque Stephen Floyd, le négociant des Indes orientales, eut liquidé, et que l’oncle George fut fatigué des