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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome I.djvu/8

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AURORA FLOYD

affaires et de la manie de bâtir, cette marotte des vieux garçons, les jeunes gens prirent la place de leurs parents et se chargèrent de la gestion de la maison. Archibald-Martin Floyd avait induit ses neveux en erreur sur un seul point, et ce point le regardait personnellement. Dix ans après avoir tenu aux jeunes gens le langage que nous avons rapporté, non-seulement le banquier fit la folie de se marier, mais, si vraiment on peut qualifier pareilles choses de folies, il descendit encore plus bas du piédestal sur lequel se drape la sagesse humaine, en tombant amoureux, à en perdre la tête, d’une femme fort jolie, mais sans fortune, qu’il ramena avec lui après une tournée dans les provinces manufacturières, et qu’il présenta presque sans cérémonie à ses parents et à ses voisins de campagne comme son épouse.

Tout cela s’était fait si précipitamment, que ces mêmes voisins étaient à peine revenus de la surprise que leur avait causée la lecture d’un certain paragraphe du Times, annonçant le mariage de « Archibald-Martin Floyd, banquier, de Lombard Street et de Felden, avec Éliza, fille unique de feu le Capitaine Prodder, » lorsque la berline de voyage du nouveau marié passa rapidement devant le pavillon gothique, situé à l’entrée du domaine du banquier, longea l’avenue et franchit le grand portail en pierre attenant à la maison, et qu’Éliza Floyd mit le pied dans le château, en saluant d’un air plein de bonté les domestiques ravis, rangés dans le vestibule pour recevoir leur nouvelle maîtresse.

L’épouse du banquier était une jeune femme de trente ans environ ; elle avait la taille haute, le teint brun et de grands yeux noirs dont le feu faisait rayonner d’une beauté éblouissante des traits qui, autrement, n’eussent en rien attiré les regards.

Que le lecteur se représente un de ces visages dont tout le charme consiste dans l’éclat surnaturel de deux yeux magnifiques, et se rappelle jusqu’à quel point ces visages-là ont une puissance de fascination supérieure aux autres. La même somme de beauté, répartie sur un nez bien fait, des lèvres roses et saillantes, un front symétrique et un teint