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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/111

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AURORA FLOYD

Il s’était assis à quelque distance de la table ; sa tête retombait en avant, et ses doigts s’agitaient contre le bois de la chaise par un mouvement nerveux. La lenteur pompeuse du coroner l’irritait horriblement. Pourquoi l’avait-on rappelé ? Quel était ce papier ? Comment pouvait-il le concerner ?

— Oui, — répondit Hayward, — ce document est d’une grande importance. Je l’ai montré à M. Lofthouse afin d’avoir son avis ; je ne l’ai pas fait voir à Dork, mais j’ai retenu ce dernier afin que vous apprissiez de lui comment et où il a trouvé ce papier, et pourquoi il n’a pas été produit à l’enquête.

— Pourquoi ferais-je des questions là-dessus ? — fit John en redressant la tête et regardant alternativement le coroner et Lofthouse. — En quoi ce papier me concerne-t-il ?

— J’ai le regret de dire qu’il vous concerne on ne peut plus, monsieur Mellish, — répondit doucement le recteur.

Cette douceur mettait John hors de lui. Quel droit ces hommes avaient-ils de lui parler comme ils le faisaient ? Pourquoi baissaient-ils la voix et lui adressaient-ils la parole avec ce ton mielleux dont se servent les porteurs de mauvaises nouvelles ? Pourquoi jetaient-ils sur lui ces regards d’intérêt et de commisération ?

— Faites-moi voir ce papier, puisqu’il me concerne ; — dit John avec indifférence. — Oh ! mon Dieu, quel nouveau malheur va me frapper ?… Quelle est cette hideuse avalanche de douleurs qui descend lentement pour m’écraser ?

— Vous ne désirez rien apprendre de Dork ? — fit le coroner tranquillement.

— Non ! non ! — s’écria John avec fureur ; — je veux seulement voir cet écrit.

Il montrait, en parlant, le papier taché de sang qu’Hayward tenait sous sa main.

— Alors vous pouvez vous retirer, Dork, — dit tranquillement le coroner, et surtout ne parlez de cette affaire à personne. C’est une affaire d’intérêt purement privé et qui n’a pas rapport au meurtre. Ne l’oubliez pas.

Le constable salua respectueusement les trois gentlemen