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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/118

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AURORA FLOYD

Elle avait essayé de capituler avec sa destinée ; elle avait tenté d’échapper à l’entière mesure de la rétribution, et elle avait failli. Elle avait fait le mal afin que le bien pût en sortir, en face de cette loi qui dit que tout mal fait en bonne intention sera péché perdu, iniquité vaine. Elle avait trompé Mellish avec l’espoir que le voile de la tromperie ne serait jamais mis en pièces, que la vérité resterait cachée jusqu’à la fin et pour épargner à l’homme qu’elle aimait une honte et une douleur cruelles. Mais les fruits de cette folle graine semée depuis longtemps, aux jours de sa désobéissance, avaient poussé autour d’elle et l’entouraient de tous côtés, et il lui avait été impossible de se frayer un sentier à travers les herbes nuisibles que ses propres mains avaient plantées.

Elle était là, sa montre à la main, et reportant alternativement ses yeux du cadran aux jardins. John Mellish était sorti un peu après neuf heures, et il en était maintenant près de deux. Il lui avait dit que l’enquête serait terminée dans une couple d’heures, et qu’il se hâterait de rentrer pour lui dire comment les choses avaient fini. Quel allait être le résultat de cette enquête ? quelles questions allait-on lui faire ? Quel témoignage pourrait, par un hasard malheureux, être produit et la compromettre ou la trahir ? Elle était comme frappée de stupeur en attendant sa sentence. Que serait-elle ? Condamnation ou acquittement ? Si son secret pouvait échapper à la découverte, si Conyers avait emporté dans la tombe l’histoire de son mariage, quelle joie, quel soulagement pour une malheureuse fille dont la seule faute avait été de prendre un homme mauvais pour un homme bon : l’ignorante confiance d’une enfant prête à accepter tout pèlerin misérable pour un noble exilé ou un prince déguisé !

Il était deux heures et demie quand elle tressaillit au bruit de pas qui se faisaient entendre sur le sable de l’allée couverte devant la vérandah. Les pas s’arrêtaient, puis continuaient, et s’arrêtaient encore ; enfin, un visage qu’elle haïssait se montra à l’angle de la fenêtre devant laquelle elle se tenait. C’était la face pâle d’Hargraves, qui s’avançait