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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/122

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AURORA FLOYD

— Je l’ai largement payée, — se dit-il en s’enfonçant sous le taillis, — je l’ai largement payée, et en bonne monnaie, je puis le dire, — fit-il en riant ; c’est le meilleur moyen pour payer ces sortes de dettes.

Aurora s’assit devant le bureau de John, et écrivit précipitamment quelques lignes sur une feuille de papier qu’elle trouva au milieu des lettres et des mémoires de toute sorte.

« Mon cher amour,

« Je ne puis rester ici plus longtemps après la découverte qu’on a faite aujourd’hui. Je suis une misérable et une lâche, et je n’ai pas la force de voir le changement de vos traits, d’entendre votre voix altérée. Je n’ai aucun espoir que vous éprouviez d’autre sentiment pour moi que du mépris et du dégoût. Mais un jour à venir, quand je serai loin de vous, et quand l’agitation que me causent mes misères sera un peu calmée, je vous écrirai pour tout vous expliquer. Pensez à moi « avec pitié si vous pouvez ; et si vous pouvez croire que, dans ces derniers jours, le mobile de ma conduite a été mon amour pour vous, vous ne ferez que croire la vérité. Que Dieu vous garde ! mon amour. La douleur de vous quitter pour toujours est moindre que celle de savoir que vous aurez cessé de m’aimer… Adieu ! »

Elle alluma une bougie et cacheta l’enveloppe qui renfermait cette lettre.

— Les espions qui me haïssent et m’épient ne liront pas cela, pensa-t-elle en écrivant le nom de John sur l’enveloppe.

Elle laissa la lettre sur le bureau, et, se levant, elle promena un regard autour de la chambre, un long et triste regard qui s’arrêtait sur chaque objet familier. Combien elle avait été heureuse au milieu de tout cet attirail masculin, avec l’homme qu’elle avait cru son mari ? Quel bonheur innocent elle avait goûté avant le terrible orage qui venait de fondre sur eux deux ! Elle détourna les yeux par un mouvement convulsif.