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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/123

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AURORA FLOYD

— J’ai apporté le chagrin et la honte sur tous ceux qui m’ont aimée, — pensa-t-elle. — Si j’eusse été moins lâche… si j’eusse dit la vérité… tout cela ne serait pas arrivé, si j’avais confessé la vérité à Bulstrode !

Elle s’arrêta après avoir prononcé ce nom.

— Je vais aller trouver Talbot, — pensa-t-elle, — il est bon. Je vais aller le trouver ; je n’éprouverai pas de honte maintenant à lui tout avouer. Il me conseillera, et il se chargera d’annoncer ce nouveau malheur à mon père.

Aurora avait vaguement entrevu ce malheur, quand elle s’était entretenue avec Lucy à Felden ; elle avait vaguement entrevu un jour où tout serait découvert, et alors elle pensait à demander asile à Lucy.

Elle consulta sa montre.

— Trois heures un quart, — dit-elle. — Il y a un train qui part de Doncastre à cinq heures ; je pourrai y aller à pied.

Elle ouvrit la porte et courut à son appartement. Il n’y avait personne au salon ; mais sa femme de chambre était dans son cabinet de toilette, occupée à ranger quelques robes.

Aurora choisit son chapeau le plus simple et un manteau gris, et les mit tranquillement. La femme de chambre, très-occupée en ce moment, ne prenait pas garde aux mouvements de sa maîtresse ; car Mme Mellish avait coutume de s’habiller elle-même, et n’aimait pas les attentions officieuses.

— Comme cette chambre est jolie ! — pensait Aurora en soupirant. — C’est pour moi que ce mobilier a été choisi, c’est pour moi qu’on a construit la salle de bains et la serre.

Elle regardait l’enfilade des chambres richement tapissées.

Ces chambres sembleraient-elles à leur maître aussi gaies qu’elles l’avaient été ? Continuerait-il à les occuper, ou bien en fermerait-il les portes avant de quitter la demeure où il avait goûté une vie si tranquille pendant près de trente-deux ans ?

— Mon pauvre, mon cher amour ! — pensait-elle, —