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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/129

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AURORA FLOYD

dings un meilleur hôte et un gentilhomme mieux doué du côté du cœur. Et tout cela était parfaitement vrai. Mellish était sans aucun orgueil personnel ; mais il avait un autre orgueil qui était tout à fait inséparable de son éducation et de sa position, et celui-là c’était l’orgueil de caste. Il était conservateur, et quoiqu’il fût prêt à parler à son bon ami le sellier, ou à son confident intime le groom aussi librement qu’à ses égaux, il aurait opposé toute la force de son influence contre le sellier, si cet honnête commerçant eût essayé de se présenter aux électeurs de sa ville natale, et aurait anéanti le groom d’un regard de colère, si le domestique eût violé seulement d’un pouce le large territoire qui le séparait de son maître.

Le combat était fini avant que Mellish se fût relevé du gazon et se fût dirigé vers la maison qu’il avait quittée le matin de bonne heure, ignorant le grand chagrin qui allait l’accabler, mais ayant seulement le sombre pressentiment d’une horrible chose inconnue. Le combat était fini, et un seul espoir habitait maintenant son cœur : l’espoir de serrer sa femme contre sa poitrine et de la consoler de tout ce qui s’était passé. Quelque amèrement qu’il pût ressentir l’humiliation de la folie de son ignorante jeunesse, ce n’était cependant pas à lui de la lui rappeler : son devoir était de mettre en présence les calomnies du monde avec ses ridicules et d’offrir sa propre poitrine à l’orage, tandis qu’elle serait protégée par le grand bouclier de son amour. Son cœur soupirait ardemment après quelque paisible retraite à l’étranger, dans laquelle son idole serait bien loin de tous ceux qui pourraient dire son secret et où elle pourrait régner une fois de plus glorieuse et sans reproche. Il était prêt à imposer au monde sa fourberie, dans son avidité de louange et d’adoration pour elle… pour elle. Comme il pensait tendrement à elle en revenant lentement à la maison par cette tranquille soirée ! Il pensait qu’elle l’attendait pour apprendre de lui l’issue de l’enquête, et il se reprochait sa négligence en se rappelant qu’il était resté si longtemps absent.

— Mais ma chérie sera à peine inquiète, — pensa-t-il ;