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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/134

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AURORA FLOYD

Mme Powell ; et John entra dans la chambre et l’interrogea vivement sur le départ de sa maîtresse.

La jeune fille ne pouvait dire que peu de chose, si ce n’est que Mme Mellish lui avait dit qu’elle allait dans le jardin, et qu’elle avait laissé une lettre dans le cabinet pour le maître de la maison. Mme Powell était peut-être plus instruite de l’existence de cette lettre que l’Abigaïl elle-même. Elle s’était glissée furtivement dans le cabinet de John après son entrevue avec l’idiot, et là elle avait rencontré fortuitement Aurora. Elle avait trouvé la lettre posée sur la table, cachetée d’un cimier et d’une devise gravée sur une pierre bleue que Mme Mellish portait parmi les breloques de sa chaîne de montre. Il n’était donc pas possible de toucher à cette lettre avec sûreté, et Mme Powell s’était contentée de la fatale découverte du matin, et instinctivement elle avait saisi le sens de la lettre cachetée. C’était peut-être une lettre d’explication et d’adieu, peut-être seulement une lettre d’adieu.

John traversa à grands pas le corridor qui conduisait à sa chambre favorite. Cette chambre était obscurément éclairée par les rayons du soleil couchant, qui, pénétrant à travers les persiennes de Venise, formaient des lignes d’or sur le plancher couvert de nattes. Mais, même à cette lumière sombre et incertaine, il aperçut le papier blanc sur la table, et sauta avec une vivacité de tigre sur la lettre que sa femme avait laissée pour lui.

Il releva la persienne et se plaça dans l’embrasure de la fenêtre, le soleil du soir donnant sur sa figure, et il lut la lettre d’Aurora. Sa figure n’exprimait aucune colère ni aucune alarme tandis qu’il lisait, mais seulement un grand amour et une grande compassion.

— Ma pauvre chérie !… ma pauvre fille !… Comment a-t-elle pu penser qu’il pouvait y avoir entre nous un mot d’adieu ! croyait-elle que mon amour était si léger qu’il pouvait lui manquer quand elle en a le plus besoin ? Quoi, si cet homme avait vécu, et sa figure s’assombrissait à la pensée de cette misérable argile qui était encore dans la